63eme Salon de Montrouge – Texte de présentation
C’est un feu au coeur de la nuit que des silhouettes étrangement masquées traversent. La scène, dont la puissance fascinatoire est accentuée par des effets de ralentis, le défilé à l’écran d’un récit fantasmatique et une musique envoûtante, semble rêvée. Elle ne l’est pas.
Les images qui composent cette oeuvre immersive intitulée Saliunt Venae (« battements de coeur »), ont été tournées en situation documentaire, au cours de la traditionnelle fête de la Saint-Jean dans un village d’Alsace. Là-bas se perpétue une coutume singulière, un rite de passage à l’âge adulte pour certains jeunes des environs qui, la tête protégée d’une couronne de roses volées, partent au solstice d’été à l’assaut d’un feu de joie. Ces plans, d’une beauté plastique éblouissante, servent également la matière de Feux, un court-métrage réalisé la même année.
Car ainsi se construit la pratique de Mali Arun, de plain-pied entre l’art et le cinéma et dans un rapport concret au réel qui, souvent, double la fiction.
À son sujet, on pense volontiers au brouillage des genres opéré par Werner Herzog et à sa quête de l’illumination telle qu’il l’a formulée : « Il y a une couche plus profonde de vérité au cinéma et il existe quelque chose comme une vérité poétique, extatique. Cela est mystérieux et insaisissable, et ne peut être atteint que par la fabrication, l’imagination et la stylisation. » Pour Mali Arun, la recherche se situe autant dans la manière dont l’être humain s’approprie un territoire, qu’il s’agisse de s’y prélasser, comme dans l’imagerie biblique dévoyée de Paradisus, ou de l’habiter, comme dans Déplacés, Barak et La Maison.
Une approche qui se joue régulièrement par la marge, à la rencontre de personnes vivant contre la norme, avec le souhait de les filmer en les laissant être telles qu’elles sont, dans toute leur différence. Comme si à travers l’objectif, elle souhaitait apprendre à toucher du regard à quelle distance d’elle commence l’autre.
Par Marie Chênel